Amandine Germain est intervenue au nom du groupe UGES sur le rapport d’orientation budgétaire pour l’année 2024 présenté par la majorité départementale.
A l’heure où le Gouvernement annonce un nouvel acte de la décentralisation, rappelons collectivement à l’occasion de ce débat d’orientations budgétaires, le rôle majeur des départements. Si l’Etat lorgne souvent sur les recettes des départements, qu’il n’en oublie pas les dépenses qu’ils assument, parfois seuls.
Dans un contexte où notre pacte républicain est fragilisé, par un regain de tensions liées à la situation internationale mais aussi par une dégradation sociale continue depuis de nombreuses années, les départements contribuent à garantir l’unité d’un corps social plus que jamais à la portée de tous les déchirements.
Malgré une autonomie fiscale devenue quasi-nulle suite aux différentes réformes, et dans un contexte d’inflation soudaine et galopante, les départements doivent amortir les chocs liés à l’augmentation de la précarité, au vieillissement de la population (cf. débat précédent), au nombre croissant d’enfants à protéger, sans oublier de prendre en compte le dérèglement climatique dont nous sommes toutes et tous comptables.
Depuis la crise du Covid, le taux de pauvreté a augmenté et les inégalités se sont creusées. Ces 25 dernières années, jamais autant de personnes résidant en logement ordinaire n’avaient vécu sous le seuil de pauvreté (chiffres INSEE parus cette semaine). Les femmes sont les premières touchées par la pauvreté en particulier les mères isolées, ainsi que les jeunes. C’est d’ailleurs ce que note la Banque alimentaire de l’Isère (cf. précédente délibération) qui témoigne d’une augmentation de 30% de ses bénéficiaires entre 2019 et 2022. Elle note comme de nombreuses associations d’aide alimentaire que les femmes seules avec enfants, les travailleurs pauvres, les retraités au minimum vieillesse ou encore les jeunes ne s’en sortent pas.
Force est de constater que « les nouvelles formes de pauvreté » que nous constations par le passé, ce sont durablement installées dans notre pays : cette situation doit nous inviter à agir avec imagination, à expérimenter, à innover pour répondre à des besoins mal pris en compte jusque -là. Il en est de même avec la crise démographique désormais bien amorcée avec le vieillissement de la population qui appelle à des réponses nouvelles, alors que l’Etat peine à engager une réforme structurelle (cf. débat Ehpad).
Pour répondre à ces défis, attendre le schéma global des solidarités cité longuement dans ce rapport semble bien lointain… La majorité départementale évoque aussi une approche des politiques de solidarité en termes d’ « investissement social » pour « minimiser les risques sociaux »… La nécessité de « prévenir plutôt que guérir » en somme !
Ce n’est pas un concept nouveau, c’est le moins que l’on puisse dire. Aura-t-il fallu attendre 8 ans pour que la majorité soit enfin convaincue qu’il vaut toujours mieux prévenir plutôt que réparer ? D’ailleurs, en est-elle pleinement convaincue ? Cette approche c’est celle que la Gauche et les Ecologistes portent depuis toujours. L’humain d’abord en somme ! Nous sommes viscéralement convaincus que c’est la seule voie pour garantir l’unité du corps social et faire vivre en acte les valeurs républicaines. « La prévention des exclusions », « l’action anticipée », « l’accompagnement précoce des publics », « la considération des personnes dans leur globalité », « l’accès aux droits », « l’égalité des chances » … tous ces concepts que la Droite départementale cite, nous les prenons au mot, nous prenons la majorité départementale au mot, et nous attendons donc du budget 2024 qu’il soit à la hauteur du rendez-vous et propose un investissement social massif dans la prévention. Le groupe UGES fera des propositions concrètes en ce sens lors du vote du budget.
Des départements, de notre département, nous attendons aussi qu’il soit force de propositions pour accompagner les territoires dans la transition écologique aux côtés de l’Etat, des autres collectivités.
Désormais, les effets du dérèglement climatique s’imposent à nous avec violence, dans tous les territoires : feux de forêt, sécheresses et canicule, puis grêle ou inondations brutales ces derniers jours dont le Pas de Calais a fait les frais… notre département n’est pas épargné. Le mercredi 15 novembre, l’Isère enregistrait sa 2ème plus grande crue depuis le début du siècle tandis que la Romanche débordait. Ces phénomènes climatiques impactent tous nos territoires.
- Nos territoires ruraux, où les agriculteurs doivent faire face à des évènements météorologiques extrêmes, qui réduisent le rendement des cultures mettant ainsi en péril la viabilité de notre système agricole et notre souveraineté alimentaire (en témoigne encore il y a quelques semaines l’appel à l’aide des producteurs de noix).
- Nos territoires urbains, qui connaissent des intensités de chaleur jamais vues, en particulier dans les zones très denses et bétonnées que sont les centres-villes et les quartiers prioritaires.
- Nos zones de montagne où les communes de moyenne montagne se posent la question de leur avenir : notamment Gresse-en-Vercors, Saint-Pierre de Chartreuse, Autrans-Méaudre …
Il n’est plus question de tergiverser ou de réinterroger les données scientifiques comme la droite, il faut bien le dire, l’a régulièrement fait ces dernières années, faisant perdre un temps précieux et instillant le doute. Sur la question écologique, nous pourrions ici aussi, « prévenir plutôt que guérir », mais désormais les faits s’imposent à nous et nous obligent à réagir avec force et sans délai, à tous les étages.
Face aux orientations timides avancées dans ce rapport et au saupoudrage constaté ces dernières années, nous attendons de ce budget 2024 une trajectoire claire et une stratégie ambitieuse. Pour la transition énergétique, pour nos Espaces Naturels Sensibles alors que certains sites peinent aujourd’hui à être protégés en l’absence d’un schéma directeur qui se fait trop attendre, pour notre souveraineté alimentaire, et pour sécuriser la ressource en eau- pour laquelle nous attendons du Département qu’il impulse une véritable stratégie.
Enfin, comment imaginer que la jeunesse ne soit pas impactée par la situation sociale, géopolitique, écologique, par la complexité du monde et les incertitudes liées à l’avenir ? Parce que notre responsabilité est précisément de « prévenir plutôt que guérir » soyons au rendez-vous pour accompagner la jeunesse, l’aider à comprendre le monde et lui donner de l’espoir. Alors que cette question n’est pas abordée dans ce rapport d’orientations budgétaires, nous vous demandons de réinterroger cette approche à l’occasion du budget 2024. La politique éducative du Département ne peut se résumer à la modernisation -certes nécessaire- de nos collèges, et la politique jeunesse doit se réinventer pour répondre aux besoins des moins de 25 ans.
Notre département dispose de ressources financières solides, la dernière décision modificative budgétaire a permis d’augmenter son autofinancement, le groupe UGES attend donc du budget 2024 qu’il soit fidèle à l’engagement de la majorité départementale fil rouge de ce DOB : « prévenir avant de guérir ».