8 décembre 2024

Il est urgent de repenser le financement des établissements personnes âgées & handicapées

A l’occasion d’une délibération actant le soutien financier du Département d’un montant total de 7 000 000 € aux établissements pour personnes âgées et pour personnes en situation de handicap, Amandine Demore est revenu sur l’importance de la politique publique de prise en charge des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

C’est en effet au regard de la solidarité et des soins apportés aux plus vulnérables que l’on peut juger de la capacité d’une société à faire corps. Il faut pouvoir défendre l’idée selon laquelle, la famille ne doit pas se retrouver seule quand un de ses membres vit un moment de vulnérabilité, que le collectif que nous formons en tant que communauté citoyenne lui viendra en aide. C’est cela faire véritablement société.

L’aide de 7 millions d’euros qui est débloqué par le Département de l’Isère doit nous faire ouvrir les yeux sur la situation financière catastrophique dans laquelle sont plongés les établissements publics pour personnes âgées et pour les personnes en situation de handicap. Cette situation doit nous interroger profondément sur le modèle de leur financement et sur les orientations de l’État pour ce pan essentiel de la solidarité nationale.

Pour ce qui est du vieillissement, nous vivons déjà les prémisses d’une crise majeure. L’espérance de vie s’allonge, nous allons passer en quelques années de 4 à 6 millions de personnes de 75 à 84 ans. Le nombre de personnes de plus de 85 ans va doubler. C’est heureux, mais il faut pouvoir bien vieillir et en toute dignité.

Pour garantir cela, il faut que les politiques publiques soient adaptées, ça n’est absolument pas le cas aujourd’hui : dans les EHPAD, dans l’accompagnement par les SAAD ou dans le maintien à domicile. Pourtant, l’État n’agit que par petits pas, depuis l’annonce de la loi grand âge et autonomie en 2017, il y a eu pas moins de 7 rapports commandés par le Gouvernement pour finalement, rien ou presque rien. Par exemple, la situation budgétaire des Ehpad publics est dégradée de façon inédite. Trois EHPAD publics sur 4 sont déficitaires aujourd’hui (500M€ au total).

En Isère, comme annoncé en commission pour l’année 2022, c’est un déficit total de 24M€ et une aide espérée de la part de l’État de … 2 millions d’euros. Une goutte d’eau malheureusement. L’État nous laisse finalement, nous les Conseils départementaux, quasiment seul face à la situation. Que dire des choix que devront prendre des départements en grande difficulté financière ? Cette situation est inacceptable.

La cause ce déficit : la flambée des prix des denrées et de l’énergie bien sûr mais aussi toutes les places laissées vacantes suite au scandale absolu de l’affaire Orpea. C’est l’occasion de vous dire l’attachement des élu-es UGES à ce que les EHPAD soient en gestion publique. Quand on laisse cette gestion au privé, on voit bien que la tentation est grande de vouloir faire toujours plus de profit, même si c’est au prix de la plus élémentaire des dignités humaines. C’est nos EHPAD publics qui paient aujourd’hui ce scandale.

De la même manière, selon un rapport d’Unis Santé de 2021, le taux d’encadrement dans les EHPAD publics est bien plus important que dans le EHPAD privé, alors même que ces derniers accueils plus de personnes dépendantes. Le taux d’encadrement moyen est de 58 équivalents temps plein (ETP) pour 100 résidents dans les Ehpad privés, contre 59 dans l’associatif et 65 dans le public. Les personnes âgées dépendantes sont donc mieux encadrés et mieux accompagné dans les établissements publics, c’est extrêmement précieux pour garantir le droit de finir sa vie dans la dignité. Il est aussi absolument nécessaire de travailler sur les disparités entre les EHPAD de campagne et ceux qui sont dans les villes, dans l’agglomération grenobloise. L’accès aux soins et à des spécialistes est bien plus difficile dans les villages et les petites villes éloignées des grandes villes.

Il est aujourd’hui indispensable de repenser le financement de ces établissements, pour faire baisser le reste à charge pour les familles. La solidarité se doit être nationale et non familiale. Le rapport de Christine Pirès Beaune « Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge », remis en juillet 2023, fait un constat majeur : « le taux d’effort des personnes hébergées les plus modestes est près de trois fois supérieur à celui des plus aisés ».

Il faut souligner que seuls 24 % des résidents en Ehpad peuvent couvrir financièrement leurs frais de séjour avec leurs revenus courants. Donc, c’est d’abord sur le reste à charge des résidents qu’il convient d’agir en priorité, celui-ci demeurant souvent important malgré une réduction d’impôt de 25 % sur les dépenses d’hébergement en Ehpad (dans la limitende 10 000 €, soit 2 500 € maximum par an). Mais la réduction d’impôt ne bénéficie qu’à ceux qui ont suffisamment de ressources pour en payer.

Le Département peut aider ceux qui ont peu de ressources via l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Mais seulement 22 % des résidents la demandent, car le département peut alors mobiliser l’obligation alimentaire en demandant aux enfants, voire aux petits-enfants, de participer.

Nous avons donc différentes propositions qui seront de nature à inspirer nos débats en Assemblée départementale :

  • Transformer la réduction d’impôt actuelle en crédit d’impôt qui pourrait bénéficier aux familles les plus modestes de manière à rendre le dispositif plus redistributif ;
  • Calculer les aides en prenant en compte tous les revenus, y compris ceux du patrimoine ;
  • Regrouper toutes les aides actuelles : APA, ASH, avantages fiscaux, aides au logement, pour déployer une prestation unique, universelle et prenant en considération les facultés contributives de chacun ;
  • Et puisque nous avons la chance d’être un département qui dispose de moyens, de revaloriser le taux directeur dans les Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM) qui nous lie avec les EHPAD pour correspondre à la réalité de l’inflation et de la hausse du point d’indice. En somme, de garantir la qualité de la prise en charge et de la dignité de nos aînés ici en Isère.

Par ailleurs, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale enjoint les Départements, sur la base du volontariat, de mettre en commun les dépenses de prise en charge et celles concernant le logement et les soins. Celles-ci ne formeraient plus qu’un seul cadre de financement, supervisé par l’ARS. Nous aurions souhaité connaître la position de l’exécutif départemental à ce sujet ? (pas de réponse).

Le sujet du bien vieillir, de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, de la prise en charge des personnes âgées dépendantes, en somme la solidarité et la dignité pour les personnes vulnérables est un sujet essentiel qui nous définit en tant que société. C’est un sujet fédérateur aujourd’hui, les démarches politiques sont très largement transpartisanes. C’est une demande globale de la part des familles naturellement, des aidants familiaux, des professionnels mais aussi des élus locaux.

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