Lors de la séance publique du 31 mars 2023, la majorité départementale a présenté les axes et orientations du schéma de l’autonomie et des handicaps 2022-2026. Ce schéma oriente les politiques du Département pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap pour les 5 années à venir. Amandine Germain, conseillère départementale de Grenoble 4, est intervenue pour introduire la position du groupe UGES sur ce schéma. Si nous partageons certaines de ces orientations, des volets entiers ne sont que peu abordés : le handicap, les places en EHPAD, le répit des aidant.es. De même, ce schéma fait surtout office de déclaration d’intentions plus que d’un plan d’actions chiffré et budgété. Sur ce point, il y a de quoi s’interroger au vu de la réduction du budget dédié aux personnes âgées pour 2023 voté par la majorité en décembre dernier, dans un contexte de recettes en hausse.
Nous le savons, l’espérance de vie progresse, mais l’espérance de vie en bonne santé, elle, stagne : 65,9 ans pour les femmes et 64,4 ans pour les hommes. Ce constat clair, rappelé dans le schéma de l’autonomie et des handicaps, devrait conduire à des politiques locales et nationales qui accompagnent mieux cette période de vie. La réforme des retraites imposée par le gouvernement, sourd à la mobilisation massive et légitime du peuple français, relève d’une logique purement comptable qui oublie finalement l’épanouissement auquel chacun est en droit d’aspirer après plusieurs décennies d’engagement et de travail. Dans une moindre mesure, le schéma départemental proposé par votre majorité, dont nous partageons le constat et certaines orientations, peine à dévoiler de véritables moyens face à cet immense défi.
Alors que nous étions en plein Covid, l’ONU déclarait la décennie 2021-2030 comme la « décennie pour le vieillissement en bonne santé », tandis qu’en France le bien vieillir a été annoncé comme un axe de travail prioritaire du Conseil National de la Refondation. Nous attendons donc toujours du Gouvernement qu’il mette enfin en place les dispositifs sur le grand âge et l’autonomie tant promis et sans cesse repoussés.
Perdre son autonomie, vieillir, vivre avec un handicap, ne doit pas se traduire par cette mise à l’écart sur le plan social et par l’absence de considération des personnes et de leurs accompagnants. Longévité, incapacités, fragilités ne représentent pas uniquement des coûts. Cette logique comptable, nous le savons, conduit à une impasse et à des risques graves de dérives, que nous avons la responsabilité de dénoncer en proposant d’autres voies dans lesquelles l’humain doit être la priorité.
C’est dire l’enjeu du schéma autonomie et des handicaps qui, au-delà des aspects techniques pour ce qui relève du médico-social, doit répondre à cette exigence majeure du bien vivre et bien vieillir, quelle que soit sa condition, dans un contexte où l’accompagnement des personnes est parfois indigne d’un pays riche comme le nôtre. La responsabilité de ces défaillances repose essentiellement sur le manque de moyens humains, donc le manque d’investissement dans des emplois essentiels, non délocalisables et pourtant peu reconnus et valorisés, alors même que les familles paient pourtant des sommes exorbitantes.
Concernant le schéma de l’autonomie et des handicaps, si nous nous retrouvons sur quelques grandes lignes, nous regrettons que la question du handicap soit quasi absente des orientations proposées.
Nous souhaitons une société plus inclusive, qui permette à chacun d’exercer sa citoyenneté, et nous pensons que les actions d’aller-vers sont tout à fait essentielles pour assurer la prévention des personnes. Sur ce point toutefois, la majorité mentionne le rôle majeur des aidants – et il l’est -, en développant quelques pistes plutôt timides. Plus globalement sur ce point-là, comme sur d’autres, nous notons surtout des intentions, avec peu d’actions concrètes, aucun indicateur de suivi dans le temps, pas d’objectifs partagés et des moyens qui restent flous…Ce qui nous fait dire que ce schéma fait surtout office de déclaration d’intentions plus que d’un plan d’actions chiffré et budgété.
Comme la majorité départementale, nous soutenons la nécessité de prendre en compte la situation individuelle de chacun, à chaque étape de son parcours de vie, pour y répondre au plus près. A cet égard, s’il nous faut bien sûr conforter le maintien à domicile, alors que 9 personnes sur 10 souhaitent vieillir chez elles (92% en Isère), « le virage domiciliaire » tel que la majorité l’évoque ne peut être la seule réponse apportée. Les EHPAD continuent d’être la solution pour les personnes très dépendantes ou aux pathologies lourdes. Rentrer en EHPAD est rarement un choix enthousiasmant, et la problématique ne se résume donc pas au bon vouloir des personnes. Dans la majeure partie du temps le choix d’entrer en EHPAD est guidé par la nécessité.
Il nous faut donc conjuguer tous ces besoins sociaux : faciliter par tous les moyens, lorsque c’est possible, le maintien à domicile et imaginer des solutions innovantes en matière d’hébergement. A cet égard, nous soutenons les initiatives en matière d’habitat intermédiaire et inclusif, nous soutenons aussi le développement des résidences autonomie, des espaces de vie partagés ou encore la modernisation de nos EHPAD. Cela n’exclut pourtant pas la nécessité d’accompagner les établissements dont la situation financière est toujours très fragile. Les taux directeurs des établissements que la majorité a voté ne permettent tout simplement pas aux établissements de faire face à l’inflation.
Cela n’exclut pas non plus de porter une ambition sur la création de nouvelles places en établissement. L’inclusion, dont nous partageons pleinement les valeurs, ne doit jamais être prétexte à réduire les moyens des établissements, pour les personnes âgées dépendantes comme pour les personnes en situation de handicap (à cet égard la décision de l’Agence Régionale de Santé, donc l’Etat! de supprimer 65 places en Institut Médico Educatif est un scandale compte tenu des listes d’attente dans notre département). Nous notons à ce titre que le sujet des places est quasiment absente du schéma, prolongement du bilan désastreux de la majorité en la matière et certainement signe de sa résignation face à l’Agence Régionale de Santé (ARS).
- Dans le schéma 2016-2022, l’objectif fixé était de 1266 places en EHPAD, 200 en résidences autonomie, et 187 dans le champ du handicap. Le bilan est aujourd’hui de 282 places en EHPAD ouvertes depuis 2016 dont la plupart étaient initiées dans le précédent schéma porté par Gisèle Perez alors VP en charge de l’autonomie.
- La majorité a revu à la baisse son ambition en février 2020, mais visiblement espérait encore, puisque Jean-Pierre Barbier indiquait dans un communiqué de presse avoir un objectif de création de 1000 places, mais cette fois EHPAD et Résidences autonomie confondues.
- Aujourd’hui, plus d’objectifs, plus d’ambition. La majorité départementale s’est résignée face au désengagement de l’ARS de notre département.
Comme Jean-Pierre Barbier aime le dire, il faut dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. Mais quand la majorité ne fait rien et ne dit rien, nous on le dit.
Finalement, ce schéma autonomie repose essentiellement sur les Services d’Aide à Domicile. Si la nouvelle organisation territoriale que proposée peut sans doute être pertinente, elle n’élude toutefois pas le fait que les choix budgétaires de la majorité ont fragilisé ces structures.
Les élu.es de la majorité font notamment le choix de ne pas financer plusieurs revalorisations de salaire dans le secteur (avenant 44, 51, 52 aux accords de branche) alors que la loi les y oblige ce qui met en difficulté les structures employeurs. C’est sans évoquer la question des bonus horaires ou des conditions de financement injustes de l’avenant 43, celui que la majorité a daigné compenser, mais en augmentant le tarif à l’usager contrairement à quasiment tous les autres départements de France qui ont fait le choix d’une dotation globale.
Si nous partageons la plupart des grandes orientations de ce schéma, elles ne nous font pas oublier la réduction de 6% du budget dédié aux personnes âgées pour 2023 que la majorité a voté en décembre dernier, dans un contexte de recettes en hausse. Budget qui a des conséquences directes sur la qualité du service rendu aux usagers comme sur leur facture.