8 octobre 2024

Le Département de l’Isère fait des économies sur le budget Personnes Agées

Amandine Germain, conseillère départementale de Grenoble 4, est intervenue sur le budget dédié aux personnes âgées, en baisse de 6% alors que le secteur médico-social et celui des personnes âgées est en grande souffrance. Une baisse qui interroge étant donné que le nombre de personnes dépendantes allocataires de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) progresse et que le budget dédié aux personnes âgées présente des recettes en forte hausse (+12,7%) dont 7,7 millions d’euros supplémentaires pour l’APA. Le Département de l’Isère ferait-il des économies sur les personnes âgées ?

La population des plus de 60 ans va augmenter de 38% d’ici 2040. L’espérance de vie dans notre pays progresse ce qui représente une chance pour notre société, tant les « séniors sont devenus indispensables à la société », « Engagement dans la vie associative et politique, garde des petits enfants, amortisseur social et financier pour les enfants …sans ces séniors, la société ne fonctionnerait plus ! » selon les termes de la récente étude « la France des séniors » porté par le pôle d’innovation européen dans le secteur de la silver économie. Et pourtant. Malgré ce constat démographique, qui est loin d’être nouveau, l’accompagnement des personnes âgées reste souvent indigne d’un pays riche et moderne tel que le nôtre.

Un nouveau prolétariat de service incarné notamment par les métiers du soin et de l’aide à domicile est apparu depuis maintenant quelques années. La crise Covid a mis en lumière la situation des professionnels de l’aide à domicile, qui sont souvent des femmes, mal payées et mal considérées aux tâches particulièrement pénibles et soumises à des risques élevés d’accidents du travail. L’année 2022 aura été marquée par le scandale Orpéa, qui a mis au grand jour la situation des Ehpad en France, et même si fort heureusement la plupart des établissements assurent un accompagnement digne- dans la limite des moyens qui leur sont dédiés- cette actualité invite une nouvelle fois à repenser en profondeur un système à bout de souffle.

Certes l’espérance de vie en bonne santé augmente, et l’écrasante majorité des personnes âgées demeurent fragiles et vulnérables sans être « dépendantes ». Toutefois, le nombre de bénéficiaires de l’Allocation Personnalisée Autonomie poursuit sa progression continue et les Ehpad continuent d’être la solution pour les personnes très dépendantes malgré le souhait de 9 personnes sur 10 de vieillir à domicile.  Il s’agit donc conjuguer ces besoins sociaux : mettre les bouchées double sur le maintien à domicile, en restant présents auprès des Ehpad qui ont besoin être modernisés et dont la situation financière reste très fragile, tout en imaginant d’autres solutions innovantes d’hébergement intermédiaires. Sur ce dernier point, le groupe UGES soutient évidemment les appels à projet lancés par le Département en matière d’habitat inclusif, qui ne doivent toutefois pas se substituer aux Ehpad, et cela malgré le désengagement de l’Etat – puisque l’ARS ne semble plus financer de création de places en établissement.

Dans un contexte où le secteur médico-social et celui des PA est en grande souffrance, le budget dédié aux personnes âgées nous interroge fortement et nous avons du mal à suivre les orientations qu’il semble traduire, en l’absence de présentation du schéma autonomie dont le vote a été repoussé à plus tard. Mais les chiffres sont bien là. Le budget Personnes âgées accuse une baisse de 6% pour cette année 2023, portant principalement sur les dépenses d’investissement, les projets d’innovation et sur l’Allocation Personnalisée Autonomie (APA).

Ainsi, le nombre de personnes dépendantes allocataires de l’APA progresse. Parallèlement, le budget dédié aux personnes âgées présente des recettes en forte hausse (+12,7%) dont 7,7 millions d’euros supplémentaires pour l’APA (soit une hausse de 17,5% pour l’APA). Comment expliquer ainsi que l’enveloppe consacrée au soutien à domicile (qui comprend l’APA versée aux Services d’aides à domicile et l’APA versé directement aux bénéficiaires), puisse diminuer parallèlement de 4 millions d’euros ?

Pourquoi les marges de manœuvre dégagées par le Département avec ces 7,7 millions de recettes supplémentaires, notamment dues à la participation en forte hause de la Caisse Nationale pour la Santé et l’Autonomie (CNSA) ne sont-elles pas orientées vers un accompagnement renforcé de nos services d’aide à domicile, qui permettrait une meilleure prise en charge des personnes dépendantes ?

Le passage du tarif horaire de référence à 27 euros est positif (même si ce tarif ne couvre par le coût réel d’une heure de travail à domicile), mais la réalité l’est moins sur le terrain. Le groupe UGES a ainsi été interpellé par des SAAD, en particulier sur des communes isolées en Isère, qui perdent aujourd’hui des financements départementaux par le nouveau système de majoration d’heures (« dotations complémentaires »)– que nous n’avons pas voté et qui est bien moins avantageux que ne l’était le précédent (à travers les MIG). La réalité est qu’ à travers le nouveau système de majoration d’heures mis en place au niveau national et compensé par la CNSA, le Département fait des économies au lieu de se saisir de cette occasion pour renforcer son accompagnement au soutien à domicile.

N’est-ce pas en contradiction totale avec le contexte, alors même que ces aides à domicile sont par ailleurs confrontées à une flambée des coûts du carburant ? Le groupe UGES insiste : pourquoi ces recettes nouvelles et ces nouvelles marges de manœuvre ne sont pas mobilisées dans ce cadre, et notamment pour aider les SAAD à amortir les surcoûts liées aux déplacements, importants en zone rurale et de montagne ? Au vu de ce que font d’autres départements pour accompagner la mobilité des aides à domicile à travers la mise à disposition de véhicules plus propres, le Département de l’Isère pourrait accompagner à minima durant cette période d’inflation.

Pourquoi ces recettes nouvelles ne permettent-elles pas non plus d’accompagner les SAAD dans la mise en œuvre des accords de branche qui revalorisent la valeur du point (avenant 44, 51, 52…) et donc les salaires des aides à domicile, qui aujourd’hui reposent sur les seules structures d’aide à domicile ? Ces revalorisations, vous avez décidé de ne pas les accompagner en Isère alors même qu’elles devraient être assumées par les financeurs, et qu’elles contribuent modestement à l’attractivité des métiers dans un secteur en pénurie de main d’œuvre.

La majorité départementale a mis en avant, lors du débat d’orientations budgétaires, sa volonté d’améliorer la prévention, mais que peut-être la prévention de la perte d’autonomie si ce n’est un soutien renforcé à domicile des personnes en situation de fragilité ? Et pour cela nous avons besoin de services d’aide à domicile robustes, en capacité financière de rendre les métiers plus attractifs. Le Département fait le choix de réaliser des économies sur ce budget alors qu’il aurait pu faire le choix de consacrer ces marges de manœuvre pour redoubler son engagement pour l’aide et le maintien à domicile. Le groupe UGES ne peut évidemment pas partager cette orientation.

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