7 décembre 2024

RSA : l’insertion et les jeunes parents pauvres du nouveau PDIE

La majorité départementale a présenté lors de la séance publique du 18 novembre le Programme départemental d’insertion vers l’emploi 2023-2027. Compte tenu qu’un tiers des personnes éligibles au RSA n’y ont pas recours et que 80% des allocataires déclarent des « freins périphériques » à leur retour à l’emploi, le groupe UGES attendait du Département qu’il soit force de proposition sur ces deux sujets. En dépit de ces constats, la doctrine « nul n’est inemployable » semble toujours d’actualité avec un PDIE qui ne met pas les moyens pour favoriser l’accès aux droits ni pour favoriser l’insertion sociale des personnes. Eléonore Kazazian-Balestas, conseillère départementale de Grenoble 2, a pris la parole sur ce sujet.

En tant que chef de file de l’action sociale, le département est chargé de la gestion du Revenu de solidarité active, le RSA, de son financement, de l’accompagnement des allocataires et de l’élaboration du programme départemental d’insertion. Selon la loi, le RSA doit permettre « d’assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d’existence afin de lutter contre la pauvreté, d’encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle, et d’aider à l’insertion sociale des bénéficiaires ».

A cet égard, si le RSA a contribué à la réduction de la grande pauvreté en France selon la Cour des comptes, celle-ci réaffirme que cet aspect reste à modérer notamment du fait d’un non-recours important au dispositif, 30% environ des ayant droits ne demandent pas le RSA, et que le RSA n’a que partiellement contribué au retour vers l’emploi, qui constitue pourtant le seul moyen de sortir durablement de la pauvreté, en particulier pour les allocataires les plus éloignés de l’emploi.

Ainsi, deux axes nous semblent particulièrement nécessaires : favoriser l’accès aux droits et créer des étapes intermédiaires pour aider le retour à l’emploi des personnes les plus éloignées.

Les actions en faveur de « l’aller vers » du PDIE sont insuffisantes. Les fiches actions ne proposent que :

  • De la communication supplémentaire sur les réseaux sociaux : ce qui n’est pas pertinent au vue de la fracture numérique.
  • Des actions ciblées vers des publics identifiés de manière précise grâce à la nouvelle application néogestion… ce qui ne répond pas à la commande d’aller vers, puisqu’il faut être inscrit pour bénéficier de néogestion et néo insertion.
  • Une « éventuelle » association avec un bus itinérant : une très bonne idée, tout au moins si nous avions l’assurance de sa mise en place, et non une possibilité future.

En matière d’aller vers et d’accès aux droits, nous aurions apprécié qu’un volet complet y soit dédié avec des fiches actions dotées de mesures réellement impactantes et la création de poste ETP équivalent temps plein dédié à la lutte contre le non-recours. Au vu de la complexité du sujet, il serait intéressant de travailler avec l’Observatoire du non-recours au droit pour développer des actions innovantes puisque nous avons la chance d’avoir ici à Grenoble les chercheurs.se.s français.e.s les plus en pointe sur ce sujet.

Ensuite, l’évaluation montre que le PDIE est insuffisant pour les allocataires de longue durée, les séniors, et les allocataires ayant un problème de santé, pour qui un accompagnement particulier est nécessaire avant de s’engager dans une recherche d’emploi à proprement parler. L’évaluation encourage donc le Département à mobiliser davantage ses compétences pour « lever les freins » d’accès à l’emploi : notamment à propos de la santé, du logement, de la mobilité, et de l’accompagnement des familles monoparentales…

Ainsi, en ce qui concerne l’insertion, les parcours d’insertion doivent être améliorés et individualisés aux besoins des allocataires du RSA, notamment via un accompagnement pluridisciplinaire « santé insertion emploi » pour évaluer l’incidence des problèmes de santé sur un emploi. Cependant, aucune des fiches actions ne détaillent réellement comment atteindre cet objectif, si ce n’est ces outils informatiques néogestion et néoinsertion, qui doivent permettre d’orienter les nouveaux allocataires rapidement, bien que le frein numérique soit prégnant chez les bénéficiaires…

De plus, connaissant la tension actuelle pesant sur l’ensemble des soignant.e.s, quels moyens allez-vous réellement donner aux partenaires pour s’assurer de l’efficience de ce programme « santé insertion emploi » ?

En outre, vous souhaitez mettre en place des éléments permettant le développement de la confiance en soi pour les allocataires, notamment via des activités culturelles ou sportives. Etonnant lorsque nous connaissons les coupes budgétaires qui ont eu lieu pour l’insertion sociale lors du mandat précédent, lorsque vous étiez déjà Président, au point de supprimer toutes actions de ce type. Vous seriez-vous donc trompés ?

En tout état de cause, nous nous réjouissons de ce retour en arrière, en espérant que vous leur donnerez une réelle traduction budgétaire au mois de décembre, mais regrettons que de nombreux allocataires n’aient pas pu bénéficier de ces activités le temps de votre erreur…

Et puisqu’une bonne nouvelle ne vient jamais seule, nous sommes tout à votre écoute pour voir renaître de leurs cendres les subventions de fonctionnement des missions locales, la réhausse des subventions aux associations de lutte contre la pauvreté, et peut-être même qui sait, la réouverture de places financées en foyers jeunes travailleurs !

En matière d’insertion, il est également intéressant de se pencher sur les avis des partenaires exprimés lors de l’évaluation qui précisent que « les actions du PDIE sont très accès sur l’emploi (puisque c’est la finalité voulue) mais il manque des étapes intermédiaires pour travailler les freins périphériques comme la santé, la garde d’enfant, la mobilité, et les savoirs êtres ».

Nous espérions une prise en compte de ces remarques mais la mise en action s’avère décevante :

  • En ce qui concerne la mobilité géographique, la fiche action parle seulement de la mise en place d’une réflexion.
  • En ce qui concerne la fracture numérique, le flou règne : « le Département pourra proposer un accompagnement », sans plus de précisions.
  • En ce qui concerne les contraintes familiales, la fiche technique précise que « l’offre de garde a besoin d’être étoffée et qu’ainsi le Département pourra accompagner des solutions innovantes »… sans toutefois définir quelles seraient ces solutions innovantes.
  • Enfin, il est précisé que le Département entend rénover le dispositif d’aides financières individuelles ponctuelles aux allocataires RSA, sans développer la forme de l’aide, alors même que sa mise en œuvre est prévue pour 2023 !

Ainsi, nous aurions appréciés que le Département de l’Isère se dote d’un programme plus ambitieux, à l’image de certains de ses homologues présentant de réels programmes d’améliorations des conditions de vie des allocataires avec des accès aux soins, à l’alimentation, au logement, aux services publics et à la mobilité : soutenir les associations mettant en place un réel plan de lutte contre l’illettrisme, des ateliers d’alphabétisation, de lien social ou encore d’épanouissement personnel ; organiser une véritable campagne de communication pour lutter contre les préjugés envers les allocataires du RSA.

Enfin, grandes absentes de ce PDIE : les actions en faveur de l’insertion des jeunes. Alors qu’un jeune sur dix vit sous le seuil de pauvreté, que les 18-24 ans sont les plus exposés à la pauvreté, nous défendons la mise en place d’un revenu de solidarité jeune, inscrit dans notre programme du Printemps Isérois et véritable levier de lutte contre la pauvreté.

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