12 novembre 2024

Inquiétudes sur la mise en œuvre de l’avenant 43 qui revalorise les salaires des aides à domicile

L’avenant 43 vise à revaloriser les salaires des aides à domicile des SAAD associatifs, et à rendre ainsi plus attractifs ces
métiers, en sortant de la précarité les salariés, et en leur permettant une progression de carrière. L’avenant 43 revoit les grilles de rémunération des salariés des SAAD qui sont reclassés sur de nouvelles grilles en fonction de leurs formation et diplôme. Amandine Germain a rappelé en premier lieu que le groupe UGES partageait l’ambition de la revalorisation des salaires des aides à domicile. Cette revalorisation est attendue de longue date par les professionnels et les fédérations de l’aide à domicile en France.

L’avenant 43, une avancée insuffisante

Les employeurs et salariés de la branche d’aide à domicile, conscients des graves difficultés du secteur, ont négocié entre 2018 et 2020 une modification fondamentale de leur convention collective, dite « Avenant 43 ». Cependant, il devait être agréé par le Ministre en charge des affaires sociales pour pouvoir être appliquéLe Gouvernement a alors refusé l’agrément ! Mais grâce à la mobilisation de tout le secteur de l’aide à domicile, en juillet dernier l’avenant est finalement agréé avec une mise en application dès le 1er octobre… Sans en discuter d’ailleurs avec les Départements ce qui témoigne une nouvelle fois, du mépris de ce Gouvernement vis-à-vis des collectivités territoriales !

On peut donc le dire, cette mesure, décidée par le Gouvernement, a été conquise comme quelques autres, sous la pression du Covid, qui a décimé la population du 4ème âge et creusé sa solitude.

Certes, cette avancée est indéniable mais elle reste insuffisante et parcellaire puisque cette mesure ne concerne pas toutes les aides à domicile et pose la question fondamentale de l’équité de traitement, avec des risques de concurrence accrue entre les différents modes d’intervention (publics, associatifs, privés), de possibles augmentations du ticket modérateur pour les personnes âgées et de déstabilisation in fine d’un métier où les conditions de travail sont déjà difficiles.

Sur la situation des professionnels du secteur et « des métiers du lien »

Nous savons tous la réalité des métiers de l’aide à domicile et la situation précaire de ces professionnels. La situation ne date pas d’hier ni du Covid ! Elles, car disons -le il s’agit essentiellement de femmes (97% des salariés sont des femmes !) – doivent faire face à une forte pénibilité physique et psychique (on dénombre deux fois plus d’accident de travail dans ce secteur que dans celui du Bâtiment), sont mal rémunérées (l’ancienne grille de salaires permettait à un salarié de dépasser la rémunération du SMIC … qu’après 17 ans d’ancienneté !), mal considérées, et la plupart du temps se voient imposés le temps partiel, ainsi que le travail les week-ends et les jours fériés. C’est ici sans parler des temps de préparation et de déplacements réels qui ne sont pas toujours comptabilisés et donc payés. Dans ce contexte, comment imaginer que la filière puisse être attractive ! Les difficultés de recrutement et de fidélisation du secteur sont immenses. Faute de personnels, il faut parer à l’urgence et les problèmes de formation restent donc importants.

Ces professionnels du « prendre soin », qui constituent parfois l’unique échange quotidien de personnes isolées ont un rôle de pivot pour aller vers une société plus inclusive.  Leur situation illustre tristement l’inversion de l’échelle des valeurs dans notre société : ceux qui s’occupent de nos enfants, de nos aînées, des personnes fragiles ou malades, tous ces « métiers du lien » qui font œuvre chaque jour d’humanité et qui œuvrent pour l’Humanité sont peu reconnus, peu valorisés socialement. Comme si ces métiers n’étaient finalement pas créateurs de valeurs donc de richesse…cela interroge sacrément sur la dérive de nos sociétés libérales qui, obnubilées par les marchés financiers ont semble t-il oublié l’essentiel et ce qui faisait sens. Portons l’espoir que cette campagne présidentielle s’écarte enfin des débats nauséabonds pour mettre à l’agenda les véritables sujets de société, tels que celui de la longévité, dont il est aujourd’hui urgent de s’emparer.

Vite, la loi Grand âge !

Alors si la revalorisation des salaires est une bonne nouvelle, rendre les métiers du soin et du lien attractifs n’est pas qu’une question financière, mais aussi de considération, d’organisation du travail et de formation.

Et à cet égard, on pourrait dire que l’avenant 43 c’est un peu l’arbre qui cache la forêt car les questions du financement et de l’organisation des services d’aide à domicile et de leur mode de gestion restent entières pour les Départements.

Au lieu d’émietter une réforme qui aurait du être globale, et alors que tous les acteurs du grand âge s’accordent sur l’urgence d’une mise à plat de l’accompagnement et du financement de la perte d’autonomie, nous attendions du Gouvernement qu’il définisse une stratégie de long terme qui aurait trouvé sa cohérence dans une grande loi à la hauteur des enjeux du vieillissement de la population et non pas qu’il enterre la loi sur le grand âge ! On ne peut pas faire de grands discours durant la pandémie pour finalement reculer.

En 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans aura triplé, et les personnes dépendantes seront deux fois plus nombreuses : il y en aura 40 000 supplémentaires chaque année. Face à ce défi immense, et sans stratégie de longue haleine, nous allons vers des lendemains très difficiles ! Pour les personnes dépendantes, pour les aidants pour les professionnels du secteur, pour la société dans son ensemble !

Inquiétudes en Isère sur la mise en œuvre de l’avenant 43 

Dans ce contexte, comment ne pas partager avec la majorité départementales les orientations proposées dans cette délibération. Évidemment le Département de l’Isère doit assurer les SAAD associatifs qui sont soumis à ces augmentations de salaire de pouvoir faire face aux surcoûts engendrés par l’avenant 43, et il est de bon ton d’en profiter pour revaloriser les tarifs horaires des autres SAAD en anticipation du tarif plancher national mis en œuvre à compter de 2022 partout en France.

Rappelons toutefois que les SAAD ont aussi du faire face cette année au surcoût lié à l’avenant 44, qui a augmenté la valeur du point, et que ce surcoût n’est pas pris en charge dans la DM qui nous est proposé aujourd’hui. Ce qui va tout de même impacter le budget des structures en Isère.

Rappelons aussi que la majorité départementale propose dans cette délibération la révision à la baisse des Missions d’Intérêt Général (MIG: tarification horaire bonifiée selon les types de personnes prises en charge, les lieux ou les horaires d’intervention). Le Département propose ainsi de réduire de moitié le montant des MIG à compter de janvier 2022 (de 8 à 4M d’euros).  Cette orientation ne peut que nous interroger, ainsi que les SAAD et leurs professionnels.

Comment pouvons-nous être assurés d’une réelle revalorisation des salaires des aides à domicile en Isère en divisant par deux les montant des MIG ? Alors que la Décision modificative budgétaire présenté ce jour montre que la situation financière du Département permet d’absorber et d’amortir les dépenses obligatoires et notamment les incidences financières de cet avenant 43, nous ne pouvons pas partager ce choix.

En effet, s’il faut déshabiller Paul en révisant les MIG, pour habiller Jacques avec l’avenant 43, alors nous ne pouvons vous suivre et c’est dommage. Face à l’inconnue posée par cette prochaine révision des MIG et l’incertitude donc du résultat sur l’équilibre économique des SAAD comme sur le bulletin de salaire de celles et ceux qui font partie des « premiers de corvées », nous nous abstiendrons sur cette délibération.

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