Lors de la séance publique du 31 mars, les conseillères et conseillers départementaux ont adopté à l’unanimité le nouveau règlement d’intervention du Département en matière de soutien au logement social et communal. Ce document engage le Département sur 6 ans (2023-2028) dans ses politiques en faveur de la rénovation du parc social et communal, son soutien aux logements PLAI (pour les locataires les plus précaires) portés par des opérateurs associatifs (Un Toit Pour Tous par exemple), ses investissements dans les programmes d’habitat inclusifs (espaces de vie sociale et partagée) ainsi que son engagement dans la production de nouvelles places en pension. Thierry Badouard est intervenu au nom du groupe UGES pour saluer cette action volontariste du Département mais qui, malheureusement, ne pourra pas « éradiquer toutes les passoires thermiques » dans notre Département.
Depuis plusieurs mandats, le Département de l’Isère s’engage aux côtés des bailleurs sociaux du territoire dans leurs investissements et nous nous en félicitons. Depuis 2016, nous contribuons à l’effort de rénovation énergétique du parc de logements sociaux et communaux. Ce nouveau règlement vient en modifier les règles ainsi que préciser la mise en œuvre de dispositifs de soutien au financement des espaces de vie sociale et partagée dans les programmes sociaux en habitat inclusif.
Pour notre groupe d’Union de Gauche Ecologiste et Solidaires, la rénovation énergétique des logements sociaux est une action publique essentielle au croisement des politiques sociales, environnementales et économiques. Elle est vertueuse à de nombreux égards :
- offrir un logement de bonne qualité aux plus précaires pour leur bien être quotidien ;
- soutenir le pouvoir d’achat des locataires en faisant baisser leurs charges ;
- réduire la consommation énergétique donc diminuer les émissions de gaz à effet de serre ;
- favoriser l’emploi local et non délocalisable.
D’ailleurs, dans le cadre de notre programme du printemps isérois que nous portions lors de la campagne de 2021 nous proposions de tripler les investissements dans la rénovation thermique des logements sociaux.
A l’occasion de la présentation de ce nouveau règlement d’intervention en matière de soutien au logement social et communal, il nous paraît important de rappeler le contexte dans lequel il s’inscrit.
Le contexte réglementaire d’une part puisque la mise en location des logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) en étiquette G sera interdite d’ici 2025, d’ici 2028 pour les logements F et d’ici 2034 pour les logements E.
Le contexte politique d’autre part puisque Depuis 2017, le logement social subit de la part de l’Etat des politiques régressives qui perdurent toujours en 2023. Les mesures d’économie adoptées sous le dernier quinquennat a réduit les capacités financières des organismes HLM :
- Par l’instauration de la « réduction de loyer de solidarité » (RLS), corrélée à la baisse des APL, qui impose aux bailleurs sociaux une baisse de loyers pour les locataires touchant les APL, afin de pouvoir réduire leurs aides personnelles au logement. Elle ampute désormais les ressources des organismes HLM de 1,3 milliard d’euros par an au niveau national. A l’échelle de l’Isère cela représente un impact de 30 millions d’euros pour les bailleurs sociaux.
- À cela s’ajoute depuis 2018, la hausse de la TVA sur les opérations engagées par les bailleurs sociaux la portant de 5,5 à 10 % pour les PLUS et les PLS, alourdissant la ponction annuelle de 500 millions d’euros.
Ces coupes budgétaires répétées ont réduit la capacité financière des bailleurs sociaux à maintenir leur niveau d’investissement dans la construction, mais aussi dans l’entretien et la réhabilitation des logements.
Ajouté aussi à cela : les orientations de la Région Auvergne-Rhône-Alpes plus que timides dans le cadre de la mobilisation du Fonds européens de développement régional, qui de plus excluent les communes de plus de 100 000 habitants des aides à la rénovation du parc social et qui vont donc pénaliser le territoire métropolitain.
Venons-en au règlement que vous présentez aux votes durant cette séance. Parmi les objectifs affichés, ce nouveau règlement vise, je cite : « l’éradication des passoires thermiques dans le parc locatif social ». Nous ne pouvons que nous joindre à cet objectif. Toutefois, notre analyse de la situation du parc locatif isérois et les moyens à mettre en œuvre nous amènent à formuler de sérieux doutes sur l’efficacité de ce règlement en matière de rénovation du parc de logements sociaux.
En effet, comme vous nous l’avez indiqué en Commission ce mercredi, ce règlement vise à soutenir la rénovation de 3,200 logements dit « passoires énergétiques », soit les logements dont les DPE E, F & G. Ramené sur les 6 années du programme, 2023-2028, cela correspond à la rénovation de 533 logements par an, soit une baisse de 50% par rapport au précédent Règlement qui visait 800 rénovations / an. (Sur ce point, nous sommes toujours en attente des éléments d’évaluation de l’ancien dispositif promis lors de nos débats de commission). Nous regrettons donc factuellement votre moindre ambition pour la rénovation thermique du logement social en Isère.
Lorsque nous rentrons dans le détail du règlement, nous nous apercevons que le programme présenté est en décalage avec les besoins de rénovation des logements sociaux en Isère. En effet, selon le répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) du 1er janvier 2021, qui sert de référence ici, il y avait plus de 5 500 logements avec des DPE F & G dans le département, soit près du double du nombre de logements que vous prévoyez de financer. Pourtant, ces 5 500 logements seront interdits à la location d’ici à la fin du programme que vous proposez.
L’écart est encore plus important si on élargit l’analyse aux logements considérés comme « passoires énergétiques » dans le règlement départemental, c’est-à-dire les logements avec des DPE E, F et G, puisque leur nombre s’élève à plus 19 000 logements, c’est-à-dire 6 fois plus que le nombre de logements dont vous prévoyez de soutenir la rénovation énergétique ! Pour atteindre l’objectif que fixe le présent Règlement, à savoir « éradiquer les passoires énergétiques », il faudrait rénover 3,200 logements non pas sur 6 ans mais à un rythme annuel. L’ambition affichée est donc en très fort décalage avec la réalité du terrain.
De ce fait, l’objectif ambitieux, je cite, « d’éradication des passoires thermiques dans le parc locatif social » est de fait à nuancer. En effet, éradiquer les 19 000 passoires thermiques en Isère nécessiterait, en tenant compte du montant des aides proposées ici, un engagement de plus de 70 M€ sur la période de la part du Département de l’Isère. Mais, nous le savons, si le Département doit prendre sa part, l’Etat, la Région et les EPCI le doivent tout autant.
En outre, nous regrettons le manque d’ambition du Règlement puisqu’il vise à faire passer les « passoires énergétiques » en étiquette C après la réalisation des travaux. Il serait préférable de viser tout de suite les étiquettes A et B pour offrir immédiatement aux locataires un confort nettement plus important et des réduction de charges plus fortes. Cela participerait également à une réduction plus forte des émissions de gaz à effet de serre du fait de la moindre consommation énergétique induite. De plus, réduire notre ambition à l’obtention de l’étiquette C conduira nécessairement à une seconde intervention sur les mêmes logements, probablement quelques années plus tard. Cela nécessitera des investissements complémentaires par les pouvoirs publics et des désagréments supplémentaires pour les locataires puisque ce type de travaux sont régulièrement effectués en sites occupés.
Malgré ces réserves, nous voterons pour ce nouveau Règlement qui maintient par ailleurs l’engagement du Département aux PLAI diffus et à la rénovation des logements communaux. Les financements engagés sur les espaces de vie partagée (habitat inclusif) et les pensions de famille répondent aussi aux besoins sociaux du moment.
Toutefois, sur le volet du logement social, ne nous méprenons pas : ce règlement ne se donne en aucun cas les moyens de ses ambitions, à savoir éradiquer les passoires énergétiques en Isère.