La séance publique du 18 novembre 2022 était dédiée au Débat d’orientation budgétaire qui consiste en la présentation par la majorité départementale des grandes lignes du budget. David Queiros, conseiller départemental de Saint-Martin-d’Hères, est intervenu pour faire des remarques tant sur la forme : des données sommaires ne délivrant pas une information suffisante au regard de la loi, que sur le fond : des orientations politiques qui ne proposent rien d’ambitieux en termes de solidarité, de résilience et de soutenabilité alimentaire, sanitaire et climatique.
Il s’agit de la deuxième préparation budgétaire de la mandature et le rapport qui est proposé pour l’année 2023 ne délivre toujours pas une information suffisante au regard de la loi, les données restent trop sommaires : seules 2 pages sur 47 évoquent l’année 2023 d’un point de vue financier.
Sur les conditions de préparation du budget pour 2023, un premier constat s’impose : les collectivités locales sont amenées à préparer leur budget dans une situation qui était difficilement envisageable en début de mandat. Après la crise sanitaire, la crise énergétique et l’inflation ont des impacts inquiétants sur leur budget. Tous les agents économiques, État, entreprises et ménages sont concernés. Le PIB n’augmentera que dans de faibles proportions, le niveau de 2019 sera à peine dépassé en 2023, le niveau de croissance ne permettra de toute manière pas de constituer un rempart à la crise, loin s’en faut.
Dans ces conditions, sans perspectives de recettes nouvelles, le gouvernement propose un PLF 2023 et une loi de programmation des finances publiques 2023-27 qui dégraderont encore plus le déficit public et la dette publique. A partir du moment où l’Etat souhaite faire payer la crise aux travailleur.se.s et aux collectivités locales, il ne s’agit pas d’un contrat de confiance mais d’un contrat de méfiance voire même un contrat de défiance.
Avec un tel contexte, les fragilités sociales persistent : les demandes d’aide à la personne vont en toute vraisemblance encore progresser en France et en Isère.
Le rapport de l’ONG Oxfam publié en mai 2022 confirme l’aggravation des inégalités dans la répartition des richesses. « La pandémie a fait émerger un nouveau milliardaire toutes les 30 heures, alors qu’un million de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté extrême au même rythme en 2022. Alors que les coûts des biens essentiels augmentent à un rythme inégalé depuis des décennies, les milliardaires des secteurs de l’agroalimentaire et de l’énergie voient leur fortune gonfler à hauteur d’un milliard de dollars tous les deux jours ».
La politique gouvernementale ultra-libérale est responsable de cette situation : la réduction des APL, la suppression des contrats aidés, la disparition de l’ISF, les constructions de niches fiscales, l’augmentation de la CSG et des taxes sur les énergies… Le principe de redistribution est méthodiquement remis en cause chaque jour par ce gouvernement.
A noter une évolution forte en matière fiscale : la disparition de la taxe d’habitation, un impôt réputé moins injuste que la taxe foncière. Cette suppression a eu pour effet une conséquence totalement prévisible : un nombre important de communes et d’intercommunalités ont déjà augmenté le taux de taxe foncière en 2022 et un nombre encore plus important envisagent de procéder à des hausses marquées. Pour ces communes, ce n’est pas de gaieté de cœur qu’elles augmentent ces impôts mais bien pour maintenir et développer un service public local fort. A titre d’exemple, Grenoble envisage d’augmenter sa taxe foncière de 15 à 25%.
Un deuxième point sur les appréciations sur les éléments contenus dans le Rapport d’orientation budgétaire pour l’année 2023.
Pour ce qui concerne les recettes réelles de fonctionnement, nous assistons à la fin de l’autonomie fiscale des départements. Le Département ne perçoit désormais plus qu’une compensation financée par une partie de la TVA, un impôt encore plus injuste que ceux cités précédemment, un impôt qui n’est pas respectueux du pouvoir d’achat des français.e.s… Nous sommes dans une situation vraiment paradoxale et regrettable : les français.e.s vont vraisemblablement moins consommer avec l’inflation mais vont payer encore plus de TVA compte tenu de l’inflation sur les produits de consommation courante.
En conséquence, le Département, les collectivités, sont dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’activité commerciale, de l’activité foncière et des décisions des lois de finances avec le risque d’une baisse des dotations. Nous exprimons une crainte, déjà exprimée l’an dernier, à propos de 2023 : les collectivités locales sont effectivement appelées, comme les salarié.e.s, à payer ce « quoi qu’il en coûte » !
En ce qui concerne les dépenses réelles de fonctionnement, il n’y a pas de prévisions pour 2023 mis à part un chiffre global reposant sur des hypothèses d’évolution. L’absence des postes comptables rend impossible toute analyse concrète. Nous aurions aimé avoir vos analyses liées au prix de l’énergie, notamment au vu des marchés contractés, quel est le différentiel de prix ? Très peu de choses sont indiquées concernant le plan de sobriété énergétique que vous souhaitez proposer.
Le deuxième poste de dépense concerne la masse salariale, les dépenses pour le personnel d’un point de vue financier. Nous aurions aimé pouvoir cerner l’impact de l’évolution du point d’indice qui a augmenté de 3,5 % en 2022 (sur 6 mois) et augmentera de nouveau de 3,5% en 2023. Enfin, sur les subventions aux associations et aux organismes, quelles évolutions en faveur de quelles associations ?
Voici les questions que l’on peut se poser sur les dépenses réelles de fonctionnement à partir du moment où nous ne disposons pas de chiffres communiqués.
En synthèse, pour ce qui est des dépenses réelles de fonctionnement et les recettes de 2022 puis 2023, l’an dernier nous avions souligné que le compte administratif 2021 allait permettre de dégager plus de 100 M€ d’excédent à reporter sur 2022, cela s’est clairement vérifié. Malheureusement ce n’est pas précisé dans ce rapport. En tout état de cause, on peut observer une prévision de recettes réelles de fonctionnement qui s’est améliorée de 100 millions par rapport au précédent rapport d’orientation budgétaire.
Nous en déduisons que c’est cette amélioration non explicitée des recettes réelles de fonctionnement qui améliore de fait la prospective : vous affichez un moindre recours à l’emprunt et donc une capacité de désendettement qui passe de 3,9 à 2,4 années en 2026. En 2026, la santé financière de la collectivité sera fortement confirmée. Il aurait été intéressant d’intégrer une année de plus dans la prospective, à savoir 2027, étant entendu que sous cette mandature, il sera possible de préparer le budget primitif pour l’année 2028.
Ce qui nous inquiète c’est que la prospective fait apparaître une augmentation plus que maîtrisée des dépenses réelles de fonctionnement, alors que l’inflation est forte. La question que nous sommes donc en droit de se poser est la suivante : la majorité départementale prévoit-elle de réduire le périmètre de certaines politiques publiques ?
Concernant les investissements, de nouveau nous n’avons qu’une très faible lisibilité sur la programmation pluriannuelle des investissements, sur la nature des travaux qui seront engagés et sur les montants des différentes politiques. Il est indiqué une moyenne de 300 millions d’euros par an, c’est une bonne chose. En revanche, pour ce qui est du financement de ces investissements, aucune inquiétude n’est exprimée quant à l’augmentation des taux d’intérêt. L’hypothèse de la majorité est une stagnation des taux sur toute la période, ce qui est peu crédible au vu des tensions inflationnistes. Cela dégraderait la prospective en fonctionnement car la collectivité serait tenue de payer plus de frais financiers.
En conclusion, ce rapport d’orientation budgétaire est peu analytique du point de vue du contexte actuel, les orientations politiques des dernières pages manquent de prise avec ces réalités, manquent de prise avec l’urgence sociale et environnementale. Ces orientations ne sont pas ou peu circonstanciées. C’est un rapport qui n’est pas combatif vis-à-vis du gouvernement, qui ne dénonce pas clairement les politiques nationales qui affaiblissent les collectivités locales.
En bref, un rapport qui ne revendique rien, ne propose pas, n’interpelle pas et pour le coup n’exprime pas d’ambition forte en matière de solidarité.