Lors de la Séance publique du 9 décembre, Thierry Badouard, conseiller départemental de Grenoble 1, est intervenu sur la Convention avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes en matière de développement économique pour les secteurs de l’agriculture, de la forêt et de l’agroalimentaire. Cette nouvelle convention est encore moins ambitieuse que celle votée en 2017 que ce soit sur la diversification des filières agricoles sur le territoire, le soutien à l’agriculture biologique, l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices vers des pratiques agro-écologiques, l’accès à l’alimentation de qualité pour toutes et tous.
En premier lieu, les élu.e.s UGES tiennent à témoigner de leur solidarité aux agricultrices et agriculteurs qui font face à de très de nombreux défis. Nous n’en citerons que certains. Celui des temps immémoriaux à savoir le défi des aléas météorologique et climatique, la sécheresse dévastatrice de cet été l’illustre malheureusement trop bien. Le défi de l’endettement et du stress qu’il procure pour nombre d’exploitant.e.s qui ont le plus grand mal à vivre de leur travail. Le défi des prix de vente des produits issus de l’agriculture, notamment pour les denrées exposées aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux, aussi imprévisibles que spéculatifs, et sur lesquels aucun d’entre nous n’a prise. Enfin, celui de l’explosion récente du prix du gazole rouge et des engrais de synthèse pour les exploitants y ayant encore recours.
En ce qui concerne la Convention avec la Région Auvergne-Rhône-Alpes en matière de développement économique pour les secteurs de l’agriculture, de la forêt et de l’agroalimentaire, elle fait suite à celle signée entre ces deux institutions le 8 mars 2017. Elle vise à coordonner les actions de la Région et des départements qui la compose.
Le groupe UGES s’accorde sur certains points essentiels énoncés, tels l’importance accordée au renouvellement des générations en agriculture, le soutien à l’agriculture locale via la commande publique, les Projets Alimentaires Territoriaux. Cependant, la convention proposée souffre de nombreuses lacunes.
Tout d’abord, cette convention ne répond pas aux besoins des iséroises et isérois qui souhaitent manger de la nourriture produite localement et sainement. Si la convention met à juste titre l’accent sur la structuration de filières locales pour sécuriser les débouchés des exploitant.e.s isérois.e.s, elle pêche par l’absence de soutien au développement d’une alimentation à la fois saine pour les consommateurs et saine pour l’environnement. La demande pour la nourriture saine est forte, en Isère comme partout ailleurs en France. Or, à ce jour, l’impossibilité de nos restaurations collectives, de nos restaurants et des particuliers à s’approvisionner de tels produits à des prix abordables vient du fait que les quantités de fruits et légumes sains et locaux ne suivent pas. Il n’y a aujourd’hui pas assez de production de fruits et légumes locaux issus de pratiques agroécologiques vertueuses pour satisfaire l’engouement de la population pour de tels produits. L’offre alimentaire actuelle ne permet pas de nourrir les habitant.e.s du territoire. La situation nationale est identique : le solde de la balance commerciale agroalimentaire française est déficitaire de 4 milliards d’euros pour les fruits et 2 milliards d’euros pour les légumes.
Pour cette raison, la Région et le Département devraient axer leur politique agricole autour d’un soutien fort et sans faille à l’installation et au développement d’exploitations en polyculture-élevage, fruits et légumes aux pratiques agroécologiques vertueuses. En effet, ces types d’exploitations doivent être soutenus et développés pour leurs bienfaits sur la biodiversité, la régénération des sols, et pour permettre le développement d’une offre alimentaire locale de qualité tout au long de l’année. Ce sont les fruits et légumes qui manquent à nos cantines et ce sont ces denrées alimentaires que la France importe le plus. A ce titre, ne pas donner la priorité au développement de la production maraichère et fruitière en Isère constitue une erreur stratégique.
Notre seconde critique est un constat sans appel : la convention soumise au vote signe l’abandon de l’agriculture biologique. Dans la convention de 2017, on pouvait lire « le développement des produits sous le signe de qualité et issus de l’agriculture biologique constitue un levier pour qu’Auvergne-Rhône-Alpes devienne le principal fournisseur de produits de qualité et d’excellence sur l’ensemble des marchés alimentaires ». Cette intention a tout simplement disparu dans la nouvelle convention. Celle-ci n’inclue aucun objectif clair de développement de l’agriculture biologique. Pourtant, le département de l’Isère atteint péniblement 8% de sa surface agricole utile (SAU) dédiée à l’agriculture biologique alors que le Programme Ambition 2022, voté en 2018, avait fixé l’objectif 15 % de surface agricole utile (SAU) pour l’année 2022. Nous devrions donc aller deux fois plus vite sur l’agriculture biologique ! A cet égard, la convention que présentée constitue un véritable retour en arrière.
Cette convention a également abandonnée purement et simplement la lutte contre le changement climatique et pour la préservation de la biodiversité. Pourtant le 1er article de la loi d’avenir de l’agriculture de 2014 fixe l’objectif très clair « d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ». La convention présentée inclus 10 fois les mots adaptation/s’adapter. Pas une seule fois mention de l’atténuation ou plus simplement à la lutte contre le changement climatique. Pourtant, le secteur agricole a tout son rôle à jouer dans ce combat.
En conclusion, cette nouvelle convention traduit l’abandon par le Département des politiques locales à préserver l’environnement, en s’évertuant à adapter un modèle d’agriculture qui ne répond plus aux besoins alimentaires des iséroises et isérois, et qui est source de souffrance pour de nombreux exploitants. Cette convention en l’état n’enrayera malheureusement pas la réduction du nombre d’agriculteurs actifs, qui est pourtant son objectif principal. C’est par l’accompagnement des pouvoirs publics vers l’agriculture biologique que ce métier retrouvera toute son l’attractivité. Nombreux sont ceux qui l’ont compris. Selon les derniers chiffres publiés par l’Agreste, en Isère, la moitié des candidat.e.s à l’installation souhaitent s’installer en agriculture biologique et un quart en maraîchage ou en arboriculture fruitière.