13 décembre 2024

Un plan montagne à courte vue

Pour répondre aux dégâts économiques causés par l’épidémie de COVID dans les territoires de montagne, le Département de l’Isère a décidé de lancer un plan d’urgence de 10 millions d’euros, en complément des plans de la Région et de l’Etat. Nous sommes intervenus en séance pour dénoncer ce plan qui rate sa cible : en ne focalisant que sur les stations et oubliant l’articulation avec les vallées, le Département rate une occasion d’engager concrètement la transition écologique des montagnes iséroises.

L’hiver dernier, en raison de la fermeture, non pas des stations, mais des remontées mécaniques, c’est un grand pan de l’économie qui a subi de graves conséquences financières. L’économie touristique de l’Isère, essentiellement fondée sur les sports d’hiver et la montagne, représente annuellement environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires (les 2/3 liés au tourisme) et plus de 20 000 emplois.

A plus long terme, cette crise du Covid nous a invité collectivement à repenser le modèle de nos stations et à anticiper de manière plus volontaire l’impact irréversible du changement climatique en se diversifiant pour ne plus dépendre essentiellement de la neige et du ski alpin. Les prévisions du GIEC ne laissent entrevoir aucune trêve sur l’évolution du climat, à moyen terme (dans 20/30 ans) une partie des stations de l’Isère devra faire avec moins ou sans neige.

Le Plan montagne 2021-2023 n’est pas un plan de transition, il vient en complément des annonces et mesures mises en place par la Région (500M€) et par l’Etat (5Md€).

Si certains dispositifs, dont certains déjà existants ont effectivement un intérêt, on constate dans son contenu qu’il n’y a pas de prise en compte des changements en cours. C’est un Plan à court terme, dont les perspectives sont floues et les objectifs frileux.

Ce Plan montagne reprend en grande partie les dispositifs et les grands axes des anciens Contrat de Performance des Alpes Isère (CPAI) sous un nom différent pour l’accoler à la marque territoriale « ISHERE » dont il n’a toujours pas été fait de bilan 4 ans après son lancement :  

  • Soutien aux études stratégiques et opérationnelles (déjà présent dans les CPAI)
  • Sécurisation de l’enneigement (dont on peut parfois interroger la pertinence, notamment dans le Vercors)
  • Requalification des équipements et activités
  • Soutien au développement de la compétitivité des stations (sommes-nous encore au temps de la « performance » et à la mise en compétition de nos stations au regard du contexte national, régional et international ?)
  • Soutien à la rénovation des refuges (qui remplace la délibération du 25 octobre 2019 ?)
  • Incitation à l’utilisation de modes de déplacement doux qui renforce l’ancien axe sur l’accès et la desserte des stations.

Au-delà de l’annonce de l’augmentation sensible de l’enveloppe allouée, les dispositifs n’évoluent et ne s’élargissent qu’à la marge. Si certaines actions peuvent aller dans le sens de la diversification des activités ou de l’accompagnement vers la transition des stations, le manque d’ambition générale de ce Plan à très court terme est regrettable.

Il y a quelques semaines, les acteurs de la Montagne (directeur de stations, promoteurs, professionnels, élus, associations environnementales) se sont réunis à l’occasion des Etats généraux de la transition du tourisme en montagne. Manifestation nouvelle sous sa forme (réunissant des acteurs qui n’échangeaient que trop peu ensemble jusqu’à maintenant), ce rassemblement a permis d’établir une feuille de route ambitieuse pour une transition réussie du tourisme en montagne portée par l’ensemble des participants.

Quel que soit le bord politique, il y a un relatif consensus sur le devenir de la montagne de demain : des activités plus diversifiées, et des investissements massifs pour une transition écologique rapide qui permette aux territoires de montagne dans leur ensemble, et pas seulement aux stations, de faire face au changement climatique et à ses conséquences.

Le groupe UGES a été particulièrement sensible aux priorités qui ont été émises par ces états généraux :

  • sur l’approche territoriale de développement et sa complémentarité avec tous les secteurs d’activités,
  • sur la volonté de définir des indicateurs de la transition
  • ou encore sur le fait de penser l’activité touristique dans le contexte du changement climatique et d’une gestion durable des ressources.

Ces axes font sensiblement écho au programme du Printemps Isérois

Si nous voulons collectivement repenser et accompagner la montagne iséroise, mais aussi ses vallées (absentes de ce plan, souvent autrefois industrialisées et qui contribuent encore à l’emploi local et surtout à l’équilibre territorial), y associer l’ensemble des acteurs socioprofessionnels et les habitants, nous devons passer à la vitesse supérieure :

  • en mettant en place des pactes territoriaux,
  • en aidant fortement les agriculteurs et les éleveurs ; ce sujet n’est pas intégré dans ce plan alors qu’ils contribuent à l’entretien des terres et des alpages préservant évidemment des emplois non délocalisables, les paysages et limitant les risques naturels,
  • en prenant en compte les nouvelles aspirations de nos concitoyens (fraicheur, santé et bien-être), les nouvelles pratiques (rien sur le cyclotourisme),
  • en mettant en place des indicateurs de suivi de nos actions avec la mise en place d’indicateurs (nous avions proposé la création d’un observatoire du climat et des impacts du changement climatiques de l’évolution de la ressource en eau)
  • et en agissant de manière très volontariste sur l’empreinte écologique du tourisme de montagne. Vous le savez, le bilan carbone d’un vacancier correspond majoritairement au bilan transport. Le Département ne peut être seul sur cette problématique, c’est une compétence avant tout de la Région. Mais il nous parait urgent de réfléchir aux nouveaux modes de déplacements dans nos vallées et montagne et cela ne peut se résumer simplement à de la signalétique ou à la modification du sens de circulation.

Ce plan vise à répondre à l’urgence, au lendemain d’une saison hivernale traumatisante pour les montagnes iséroises. Cependant, il n’engage pas à long terme la transition du tourisme comme attendu.

Ne voulant pas être ceux qui, demain, seront accusés de ne pas avoir fait assez connaissant l’urgence, le groupe UGES s’est abstenu sur le vote.