Dans le cadre du débat budgétaire 2022 relatif à la politique personnes âgées du Département, Amandine Germain a mis le focus sur la question du maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie. D’ici 2025, nous compterons ainsi 1 million de personnes âgées supplémentaires en France dont 100 000 estimées en situation de perte d’autonomie. Et 80% des Français émettent aujourd’hui le souhait de vieillir chez eux.
Pour relever le défi de la longévité et du maintien à domicile, et garantir à nos aînés des conditions de vieillissement dignes et humaines chez eux quand c’est leur souhait, nous devons mettre le paquet, cela passe notamment par :
- Le déploiement de dispositifs innovants et adaptés, mêlant aides humaines et techniques . A cet égard le groupe UGES regrette que le dispositif Isère Adom ait été réduit à peau de chagrin et se résume aujourd’hui à une plateforme de service sur le web… bien loin des ambitions initiales qu’il devait servir, notamment celles qui visaient à renforcer le lien humain et garantir la continuité des parcours de soin.
- Le soutien aux aidants familiaux, qui s’épuisent et se sentent si souvent seuls et isolés dans leur démarche et leur quotidien ;
- La revalorisation de l’image, des conditions de formation et de travail ainsi que les rémunérations des professionnels du maintien à domicile. Et c’est sur ce point qu’Amandine Germain a souhaité attirer l’attention de l’Assemblée.
Même si ce n’est pas non plus la panacée, l’avenant 43 à la convention collective de l’aide à domicile qui revalorise les rémunérations des aides à domicile était attendu et bienvenu. Attendu et bienvenu sous réserve que cette revalorisation de salaire n’impacte pas les usagers : ni sur le volume de l’aide à domicile auquel ils ont droit, ni sur leur reste à charge financier.
C’est d’ailleurs ce qu’a préconisé la Caisse Nationale de la Santé et de l’Autonomie (CNSA), dans son vademecum envoyé à tous les Départements de France en septembre dernier : les Départements doivent limiter l’augmentation de la participation financière des usagers dans le cadre de cet avenant 43. En bref : ce n’est pas à l’usager de supporter la revalorisation de la rémunération des aides à domicile. La CNSA invite donc clairement les Départements à attribuer cette aide aux SAAD sous forme de dotation et non en augmentant les tarifs[1].
Ainsi, la majeure partie des Départements de France a fait le choix de suivre les préconisations de la CNSA et d’attribuer aux services d’aide à domicile une dotation financière leur permettant d’absorber l’augmentation des salaires tout en maintenant la stabilité des tarifs pour les usagers. Or, c’est tout l’inverse qui a été décidé ici en Isère ! Nous faisons tristement partie des 6 Départements français qui ont fait le choix d’augmenter le tarif horaire pour les usagers. En Isère, les usagers des services d’aide à domicile voient donc leur facture augmenter et leur volume d’aide diminué ! D’où les courriers d’incompréhension des usagers que nombre d’entre nous reçoivent ces dernières semaines.
En effet, dans la mesure où le tarif horaire est également utilisé pour calculer le plan d’aide (c’est-à-dire le nombre d’heures d’aide à domicile selon son niveau de dépendance), le fait d’augmenter le tarif facturé a deux conséquences majeures pour les usagers :
- une diminution du nombre d’heure d’aide à domicile pour les usagers ;
- et/ou un reste à charge plus élevé pour les bénéficiaires et leur famille
Exemples :
- Pour une personne qui a des revenus de 1100 euros par mois en GIR 1 avec 65h d’aide mensuelles, son reste à charge passera de 318 euros à 373 euros par mois soit une augmentation de 54.80€ par mois.
- Pour une personne qui a des revenus de 1000 euros par mois, en GIR 1 avec 81h d’aides mensuelles, son reste à charge passera de 261 euros à 295 euros, soit une augmentation de 34, 64 euros par mois.
A travers cet exemple, on peut constater que sur des petits revenus, une telle augmentation mensuelle n’est pas sans conséquence !
Le fait d’augmenter le tarif facturé à l’usager a aussi une conséquence forte pour les structures de l’aide à domicile concernées, c’est-à-dire celles du secteur associatif :
- En effet, dans le cas de figure proposé les usagers pourraient voir leur nombre d’heure diminué, donc moins d’activités pour les SAAD associatifs.
- Par ailleurs la facturation des SAAD associatifs sera de fait plus élevée que celle du secteur privé engendrant une concurrence accrue défavorable aux structures associatives…Même si nous savons que les services d’aide à domicile privés facturent des sur-coûts, il n’empêche que le tarif de base affiché sera de 22€ pour les structures privées et de 26€ pour les SAAD associatifs.
Ces conséquences sont inquiétantes et c’est à se demander quelle volonté anime une telle décision ! Car d’autres choix étaient possibles, ceux que la majeure partie des Départements de France ont fait en attribuant une dotation globale !
La majorité départementale a par ailleurs divisé par deux le budget consacré aux Missions d’Intérêt Général (8 à 4 millions d’euros) qui permettaient aux aides à domicile une bonification de salaire (3€ de l’heure) pour travail les week-ends ou pour des déplacements importants notamment…tout cela sans les résultats de l’audit que le Département souhaite lancer sur le sujet ! Le groupe UGES se questionne alors :
- Comment peut-on décider de retirer la moitié des crédits d’un tel dispositif qui faisait consensus en Isère avant même d’avoir les conclusions de l’audit que vous souhaitez lancer ?
- Comment pourrions-nous partager cette orientation qui vise à retirer d’une main ce que l’on donne de l’autre aux aides à domicile ?
Enfin, rappelons que les SAAD ont aussi dû faire face cette année au surcoût lié à l’avenant 44, qui a augmenté la valeur du point. Le groupe UGES a interpellé le Président du Département pour qu’il confirme que ce surcoût n’est pas pris en charge dans le cadre de ce budget 2022, alors même que le financeur que nous sommes en a légalement l’obligation ?
Les conditions d’application de l’avenant 43 ici en Isère sont inquiétantes pour les usagers comme pour les structures du secteur associatif qu’elles pénalisent grandement, et sur le long terme c’est tout un système d’aide à domicile qui risque ainsi d’être déstabilisé. Qui ira dans les campagnes isolées ou les secteurs de montagne reculés si les structures non lucratives finissent par mettre la clé sous la porte ? Qui ira rendre ce service public essentiel car vital, dans les secteurs non rentables pour le privé ?
Le groupe UGES ne peut évidemment pas partager ces orientations qui mettent en difficultés les usagers, et les structures associatives, et plus globalement fragilise complètement le système d’aide à domicile en Isère, dans un contexte qui aurait au contraire nécessité que l’on fasse bloc pour accompagner nos SAAD et prendre soins des Isérois âgées et dépendants.
[1] « les conseils départementaux sont invités à veiller particulièrement à la limitation des impacts sur le reste à charge supporté par les usagers. En effet, si une augmentation du tarif permet au SAAD de disposer d’une ressource supplémentaire pouvant couvrir un rehaussement des rémunérations, elle a un impact sur le reste à charge de l’usager dans la mesure où le tarif horaire est également utilisé pour calculer le plan d’aide et la participation de l’usager au coût, ainsi que sur le respect du plafond mensuel d’APA, ce qui pourrait occasionner une saturation du plan d’aide. Le bénéficiaire pourrait être amené à réduire le nombre d’heures de son plan (limitant la couverture des besoins) ou à payer plus. Pour cette raison, il est préconisé de retenir une modalité d’attribution des crédits n’impactant pas le tarif, c’est-à-dire sous la forme d’une dotation complémentaire de financement. »